L’équivoque et l’implicite, deux notions à ne pas confondre en improvisation :


L'improvisation / mercredi, janvier 6th, 2021

En ces temps un peu troublés pour nous, acteurs de la culture, c’est le moment de se poser et de réfléchir un peu ! En improvisation, on peut travailler sur l’implicite, à conditions de ne pas tomber dans l’équivoque. Voyons ce que j’entends par là :

L’équivoque, un danger pour l’impro

Ce que j’appelle « équivoque » c’est le non-dit qui laisse place à de multiples interprétations. C’est le syndrome du « je ne dis pas parce que mon personnage ne sait pas » qui, en vrai, est souvent que vous en tant que comédien -ne ne savez pas, ou pire ne VEUT pas trancher. Cela vient notamment de la peur de la « rudesse » en match d’impro, mais j’en parle déjà ici.

Par exemple, si dans votre tête le personnage d’en face est votre père, appelez le « papa » rapidement. Ne laissez pas l’ambiguïté s’installer au risque de créer de la confusion.

Pourtant, narrativement on a envie qu’il y ait des sous-entendus, choses qui vont de soi, qui vont sans dire. Mais comme j’ai l’habitude de dire « Ce qui va sans dire, va toujours mieux en le disant ».

Cette envie vient, à mon sens, du cinéma et du théâtre à texte. Dans ces formes d’écriture, on a le temps de détailler le sous texte et de clarifier les ambiguïtés entre les personnages (à coup de gros plans, de monologues, etc). Or en improvisation, pas de script, pas de texte. Le présent de l’improvisation n’est que la somme de ce qui a déjà été posé. Pas l’éventuel futur de toutes vos interprétations.

L’équivoque c’est quand tu dis rien et que c’est pas bien, l’implicite c’est quand tu dis rien et que c’est bien

L’implicite à la rescousse :

En revanche, en maniant correctement le sous-texte vous pouvez densifier vos relations et vos personnages. Pourtant, pour ne pas être équivoque et risquer la confusion, il faut un peu de doigté.

Commencez par expliciter l’implicite. Si vous sentez que l’autre essaye de sous-entendre quelque chose, explicitez le. Exemple :

A : « Je suis content de te revoir, depuis le temps ! Tu sais depuis …. » il s’arrête

Là, deux choses, soit A ne veut pas prendre la responsabilité de clarifier la relation, ce qui est dommage soit il a une idée en tête mais ne l’exprime pas, il est dans l’équivoque« .

B: « Depuis quoi ? »

A :  » Et bien depuis cette fameuse nuit … » il s’arrête encore.

B a posé une question, pas forcément idéal mais dans le feu de l’action c’est assez courant, affirmer directement aurait été possible. Mais on voit que A ne souhaite toujours pas être clair. Que s’est-il passé cette nuit ? Un accident ? Un flirt ? 

B : « Oui celle où tu as décidé de m’abandonner pour cette garce ! »

B a pris ses responsabilités. A n’assumant pas de prendre le lead, le risque de tourner en rond est élevé (en match l’arbitre risque de siffler un « retard de jeu » ). B « impose » donc quelque chose. Pourtant c’est ça qui va débloquer la situation.  Notons que quand même, B laisse de la place que A peut remplir, c’est de l’implicite. Il est sous-entendu qu’une relation amoureuse existait et qu’elle a mal fini. Mais sa nature précise et ses répercussions peuvent être explorées ensemble.

En revanche si vous voulez être dans ce registre pour faire preuve de subtilité dans votre jeu, passez par quelque chose que nous avons tous et qui est bien pratique : le corps.

Par tout les moyens que votre corps peu produire, vous pouvez jouer sur le non-verbal pour exprimer ce que vos mots cachent. Reprenons l’exemple ci-dessus :

A : « Je suis content de te revoir, depuis le temps ! Tu sais depuis …. » il s’arrête brusquement, baisse la tête et pince les lèvres.

Dans ce cas il est plus clair que A est gêné, il n’est pas réellement content de revoir B.

B: « Depuis quoi ? » Épaules en avant Bras croisés, ces deux mots sont lancés en même temps que le menton fait un mouvement vers le haut. B est dans une posture de colère froide à la limite de l’agressivité.

A :  » Et bien depuis cette fameuse nuit … » il s’arrête encore, se gratte la nuque en détournant le regard. 

On voit déjà que effectivement A a quelque chose à se reprocher mais que B est plus en colère que, par exemple, triste.

B : « Oui celle où tu as décidé de m’abandonner pour cette garce ! »

Le non-verbal est un excellent outil pour apporter de la subtilité et de la densité à votre jeu. Pour être efficace, il doit être encore plus explicite que l’explicite pour vous permettre justement, de souligner l’implicite.

Conclusion

Ce que j’ai voulu dire dans cet article c’est que jouer avec l’implicite et les sous-entendus est dangereux. On peut arriver à faire quelque chose avec le sous-texte, notamment en engageant son corps. Gardez bien en tête que c’est toujours un pis-aller, surtout en format court. Je vous conseille plus que fortement de rester très explicite et ne pas chercher à sous-entendre quoi que ce soit. Le risque que tout le monde galère à un moment ou un autre n’en vaut pas le coup.

Alors que si vous êtes hyper-clair, les règles du jeu que vous posez seront évidentes pour le public mais aussi pour les autres participant-es et c’est avec ces fondations que vous construirez quelque chose de beau !

Et vous comment gérez-vous l’implicite en improvisation ? Dites moi en commentaire !

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